Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/336

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charrette Giacomo Cenci et lui avait ôté son habit afin de pouvoir le tenailler. Quand le bourreau vint à Bernard, il vérifia la signature de la grâce, le délia, lui ôta les menottes, et, comme il était sans habit, devant être tenaillé, le bourreau le mit sur la charrette et l’enveloppa du riche manteau de drap galonné d’or. (On a dit que c’était le même qui fut donné par Béatrix à Marzio après l’action dans la forteresse de Petrella.) La foule immense qui était dans la rue, aux fenêtres et sur les toits, s’émut tout à coup[1] ; on entendait un bruit sourd et profond, on commençait à dire que cet enfant avait sa grâce.

Les chants des psaumes commencèrent et la procession s’achemina lentement par la place Navonne vers la prison Savella. Arrivée à la porte de la prison, la bannière s’arrêta, les deux femmes sortirent, firent leur adoration au pied du saint crucifix et ensuite s’acheminèrent à pied l’une à la suite de l’autre. Elles étaient vêtues ainsi qu’il a été dit, la tête couverte d’un grand voile de taffetas qui arrivait presque jusqu’à la ceinture.

La signora Lucrèce, en sa qualité de

  1. On voit bien comment chez un peuple esclave de la sensation présente, la pitié serait pour le coupable qui va souffrir. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)