Page:Stendhal - Chroniques italiennes, I, 1929, éd. Martineau.djvu/339

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poitrine découvertes ; elle se regarda, puis regarda la mannaja, et, en signe de résignation, leva lentement les épaules[1] ; les larmes lui vinrent aux yeux, elle dit : Ô mon Dieu !… Et vous, mes frères, priez pour mon âme.

Ne sachant ce qu’elle avait à faire, elle demanda à Alexandre, premier bourreau, comment elle devrait se comporter. Il lui dit de se placer à cheval sur la planche du cep. Mais ce mouvement lui parut offensant pour la pudeur, et elle mit beaucoup de temps à le faire. (Les détails qui suivent sont tolérables pour le public italien, qui tient à savoir toutes choses avec la dernière exactitude ; qu’il suffise au lecteur français de savoir que la pudeur de cette pauvre femme fit qu’elle se blessa à la poitrine ; le bourreau montra la tête au peuple et ensuite l’enveloppa dans le voile de taffetas noir.)

Pendant qu’on mettait en ordre la mannaja pour la jeune fille, un échafaud chargé de curieux tomba, et beaucoup de gens furent tués[2]. Ils parurent ainsi devant Dieu avant Béatrix.

  1. Signe de résignation en Italie et non pas de blâme. Le stringimento de résignation est plus lent et plus marqué que le nôtre. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien.)
  2. Qui aurait dit à ces gens-là qu’ils mourraient avant Béatrix. (Note de Stendhal sur le manuscrit italien) *.

    * On voit que Stendhal a fait passer sa réflexion dans son texte définitif. N. D. L. É.