Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/163

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Elle n’eut pas peu de peine à parvenir jusqu’à elle ; elle en eut encore plus à lui faire comprendre la possibilité du crime qu’elle venait lui dénoncer. Et enfin, après plus d’une demi-heure de temps perdu, et pendant les dernières minutes de laquelle Félize tremblait de passer pour une calomniatrice, l’abbesse déclara que le fait fût-il vrai, il ne fallait pas ajouter une infraction à la règle de saint Benoît à un crime. Or, la règle défendait absolument de mettre le pied au jardin après le coucher du soleil. Par bonheur, Félize se souvint qu’on pouvait arriver par l’intérieur du couvent, et sans mettre le pied au jardin, jusque sur le toit en terrasse d’une petite orangerie fort basse et toute voisine de la porte gardée par la sentinelle. Pendant que Félize était occupée à persuader l’abbesse, Rodelinde alla réveiller sa tante, âgée, fort pieuse, et sous-prieure du couvent.

L’abbesse, quoique se laissant entraîner jusque sur la terrasse de l’orangerie, était bien éloignée de croire à tout ce que lui disait Félize. On ne saurait se figurer quel fut son étonnement, son indignation, sa stupeur, quand, à neuf ou dix pieds au-dessous de la terrasse, elle aperçut deux religieuses qui à cette heure indue se trouvaient hors de leurs appartements,