Page:Stendhal - Chroniques italiennes, II, 1929, éd. Martineau.djvu/213

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voir adresser la parole pour peu qu’ils animassent la conversation par des pensées amusantes, car le roi qui, pour suivre les ordres de la reine, sa mère, et pour mériter les respects des Espagnols, ne parlait jamais, quand il se trouvait auprès d’une femme qui lui plaisait, oubliait son métier et parlait à peu près comme un autre homme qui aurait passé pour fort sérieux.

Mais ce n’était point la présence du roi dans son cercle qui rendait la princesse de Bissignano si heureuse à la cour : c’était les attentions continuelles du jeune Gennarino, des marquis de Las Flores. Ces marquis étaient fort nobles, puisqu’ils appartenaient à la famille Medina Celi d’Espagne, d’où ils étaient venus à Naples, il n’y avait guère qu’un siècle. Mais le marquis, père de Don Gennarino, passait pour le gentilhomme de la cour le moins riche. Son fils n’avait que vingt-deux ans, il était élégant, beau, mais il y avait dans sa physionomie quelque chose de grave et de hautain qui trahissait son origine espagnole. Depuis qu’il ne manquait à aucune fête de la cour, il déplaisait à Rosalinde, dont il était passionnément amoureux, mais à laquelle il se gardait bien d’adresser jamais une parole, dans la crainte de voir la princesse sa belle-mère cesser tout à coup de l’amener à la cour.