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Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/121

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Nous passerons rapidement sur dix années d’une vie malheureuse. Hélène se croyait tout-à-fait oubliée, et cependant avait refusé avec hauteur les hommages des jeunes seigneurs les plus distingués de Rome. Pourtant elle hésita un instant lorsqu’on lui parla du jeune Octave Colonna, fils aisé du fameux Fabrice, qui jadis l’avait si mal reçue à la Petrella. Il lui semblait que, devant absolument prendre un mari pour donner un protecteur aux terres qu’elle avait dans l’état romain et dans le royaume de Naples, il lui serait moins odieux de porter, le nom d’un homme que jadis Jules avait aimé. Si elle eût consenti à ce mariage, Hélène arrivait bien rapidement à la vérité sur Jules Branciforte. Le vieux prince Fabrice parlait souvent et avec transports des traits de bravoure surhumaine du colonel Lizzara (Jules Branciforte) qui, tout-à-fait semblable aux héros des vieux romans, cherchait à se distraire par de belles actions de l’amour malheureux qui le rendait insensible à tous les plaisirs. Il croyait Hélène mariée depuis long-temps ; la signora de Campireali l’avait environné, lui aussi, de mensonges.

Hélène s’était réconciliée à demi avec cette mère si habile. Celle-ci, désirant passionnément la voir mariée, pria son ami, le vieux cardinal Santi-Quatro, protecteur de la Visitation et qui allait à Castro, d’annoncer en confidence aux religieuses les plus âgées du couvent que son voyage avait été retardé par un acte de grace. Le bon pape Grégoire XIII, mû de pitié pour l’ame d’un brigand nommé Jules Branciforte, qui autrefois avait tenté de violer leur monastère, avait voulu, en apprenant sa