déjà brisée par un malheur sans remède et un long ennui, fut une sensation de vanité.
Depuis peu, l’abbesse était morte. Suivant l’usage, le cardinal Santi-Quatro, qui était encore protecteur de la Visitation malgré son grand âge de quatre-vingt-douze ans, avait formé la liste des trois dames religieuses entre lesquelles le pape devait choisir une abbesse. Il fallait des motifs bien graves pour que sa sainteté lût les deux derniers noms de la liste, elle se contentait ordinairement de passer un trait de plume sur ces noms, et la nomination était faite.
Un jour, Hélène était à la fenêtre de l’ancienne loge de la tourière qui était devenue maintenant l’extrémité de l’aile des nouveaux bâtimens construits par ses ordres. Cette fenêtre n’était pas élevée de plus de deux pieds au-dessus du passage arrosé jadis du sang de Jules et qui maintenant faisait partie du jardin. Hélène avait les yeux profondément fixés sur la terre. Les trois dames que l’on savait depuis quelques heures être portées sur la liste du cardinal pour succéder à la défunte abbesse, vinrent à passer devant la fenêtre d’Hélène. Elle ne les vit pas, et par conséquent ne put les saluer. L’une des trois dames fut piquée et dit assez haut aux deux autres :
— Voilà une belle façon pour une pensionnaire d’étaler sa chambre aux yeux du public !
Réveillée par ces paroles, Hélène leva les yeux et rencontra trois regards méchans. -Eh bien ! se dit-elle en fermant la fenêtre sans saluer, voici assez de temps que je suis agneau dans ce couvent,