Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/220

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Les femmes, restées seules, commencèrent par retirer ce grand clou enfoncé dans la tête du cadavre et celui qui était dans le cou ; ensuite, ayant enveloppé le corps dans un drap de lit, elles le traînèrent à travers une longue suite de chambres jusqu’à une galerie qui donnait sur un petit jardin abandonné. De là, elles jetèrent le corps sur un grand sureau qui croissait en ce lieu solitaire. Comme il y avait des lieux à l’extrémité de cette petite galerie, elles espérèrent que, lorsque le lendemain on trouverait le corps du vieillard tombé dans les branches du sureau, on supposerait que le pied lui avait glissé, et qu’il était tombé en allant aux lieux.

La chose arriva précisément comme elles l’avaient prévu. Le matin, lorsqu’on trouva le cadavre, il s’éleva une grande rumeur dans la forteresse ; elles ne manquèrent pas de jeter de grands cris, et de pleurer la mort si malheureuse d’un père et d’un époux. Mais la jeune Béatrix avait le courage de la pudeur offensée, et non la prudence nécessaire dans la vie ; dès le grand matin, elle avait donné à une femme qui blanchissait le linge dans la forteresse un drap taché de sang, parce que, toute la nuit, elle avait souffert d’un grande perte, de façon que, pour le moment, tout se passa bien.

On donna une sépulture honorable à François Cenci, et les femmes revinrent à Rome jouir de cette tranquillité qu’elles avaient désirée en vain depuis si longtemps.