crime obtenant la vie, comment ses frères, qui avaient été séduits par elle, pouvaient-ils être punis de mort ?
Après cette nuit donnée à ses devoirs de juge, Clément VIII ordonna que les accusés fussent reconduits en prison, et mis au secret. Cette circonstance donna de grandes espérances à Rome, qui dans toute cette cause ne voyait que Béatrix. Il était avéré qu’elle avait aimé monsignor Guerra, mais n’avait jamais transgressé les règles de la vertu la plus sévère : on ne pouvait donc, en véritable justice, lui imputer les crimes d’un monstre, et on la punirait parce qu’elle avait usé du droit de se défendre ! qu’eût-on fait si elle eût consenti ? Fallait-il que la justice humaine vînt augmenter l’infortune d’une créature si aimable, si digne de pitié et déjà si malheureuse ? Après une vie si triste qui avait accumulé sur elle tous les genres de malheurs avant qu’elle eût seize ans, n’avait-elle pas droit enfin à quelques jours moins affreux ? Chacun dans Rome semblait chargé de sa défense. N’eût-elle pas été pardonnée si, la première fois que François Cenci tenta le crime, elle l’eût poignardé ?
Le pape Clément VIII était doux et miséricordieux. Nous commencions à espérer qu’un peu honteux de la boutade qui lui avait fait interrompre le plaidoyer des avocats, il pardonnerait à qui avait repoussé la force par la force, non pas, à la vérité, au moment du premier crime, mais lorsqu’on tentait de le commettre de nouveau. Rome tout entière était dans l’anxiété, lorsque le pape reçut la nouvelle de la mort violente de la marquise Constance