Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/295

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— Ne tuons pas sans nécessité un Italien qui sait le maniement des armes, dit Missirilli ; notre patrie n’est pas une île comme l’heureuse Angleterre : c’est de soldats que nous manquons pour résister à l’intervention des rois de l’Europe.

Quelques temps après, Missirilli, serré de près par les carabiniers, en tua deux avec les pistolets que Vanina lui avait donnés. On mit sa tête à prix.

Vanina ne paraissait pas en Romagne : Missirilli se crut oublié. Sa vanité fut choquée ; il commençait à songer beaucoup à la différence de rang qui le séparait de sa maîtresse. Dans un moment d’attendrissement et de regret du bonheur passé, il eut l’idée de retourner à Rome voir ce que faisait Vanina. Cette folle pensée allait l’emporter sur ce qu’il croyait être son devoir, lorsqu’un soir la cloche d’une église de la montagne sonna l’Angelus d’une façon singulière, et comme si le sonneur avait une distraction. C’était un signal de réunion pour la vente de carbonari à laquelle Missirilli s’était affilié en arrivant en Romagne. La même nuit, tous se trouvèrent à un certain ermitage dans les bois. Les deux ermites, assoupis par l’opium, ne s’aperçurent nullement de l’usage auquel servait leur petite maison. Missirilli qui arrivait fort triste, apprit là que le chef de la vente avait été arrêté, et que lui, jeune homme à peine âgé de vingt ans, allait être élu chef d’une vente qui comptait des hommes de plus de cinquante ans, et qui étaient dans les conspirations depuis l’exécution de Murat en 1815. En recevant cet honneur inespéré, Pietro sentit battre son cœur. Dès qu'