Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/351

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tout jamais. C’est ainsi que le faubourg Saint-Germain préfère le Méchant de Gresset à la Lucrèce Borgia de M. Victor Hugo. L’énergie dans tous les genres est ce qu’il a le plus en horreur.

On me dira : Rappelez un auguste exilé, refaites l’ancien régime, remettez en vigueur l’Almanach royal de 1788, comme on fit en Piémont, en 1814. On écrivit de reprendre leurs postes à tous les fonctionnaires imprimés dans le dernier Almanach royal de Sardaigne : la moitié n’était plus. Mais je suppose qu’éclairé par cette imprévoyance, on adresse les lettres aux fils ou petit-fils des personnages qui remplissent l’Almanach royal de 1788, peut-on recréer une vieille maison qu’un incendie vient de réduire en cendres ? On en fera une nouvelle, plus ou moins semblable ; mais je n’y retrouverai jamais toutes les petites commodités, tous les petits arrangements, que soixante ans d’habitation avaient accumulés dans l’ancienne ; et d’ailleurs, pendant la reconstruction, j’ai pris de nouvelles habitudes.

Tout compte fait, et l’histoire étudiée, j’aurais voulu naître noble Vénitien vers 1650. Mais qui pouvait arrêter la marche des choses ? Regrets superflus, au moins autant qu’ils sont sincères ! Qui pouvait dire au printemps : Arrête-toi, reste avec nous ; j’aime mieux toujours des fleurs, je les préfère aux fruits de l’automne, et surtout à la vie triste et forcément prudente de l’affreux hiver ?

Notre hiver littéraire de 1836, notre génie à la Sénèque, notre triste méfiance, notre irritation générale les uns contre les autres, goûtera-t-elle la sérénité si