Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/41

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père, en passant près du lit de sa femme pour aller à la chambre de sa fille, tremblant de fureur, mais affectant un sang-froid parfait ; nous nous réjouissons d’avoir des enfans, nous devrions répandre des larmes de sang plutôt quand ces enfans sont des filles. Grand Dieu ! est-il bien possible ! leur légèreté peut enlever l’honneur à tel homme qui depuis soixante ans n’a pas donné la moindre prise sur lui.

En disant ces mots, il passa dans la chambre de sa fille.

— Je suis perdue, dit Hélène à sa mère, les lettres sont sous le piédestal du crucifix, à côté de la fenêtre. Aussitôt la mère sauta hors du lit, et courut après son mari ; elle se mit à lui crier les plus mauvaises raisons possibles, afin de faire éclater sa colère : elle y réussit complètement. Le vieillard devint furieux, il brisait tout dans la chambre de sa fille ; mais la mère put enlever les lettres sans être aperçue. Une heure après, quand le seigneur de Campireali fut rentré dans sa chambre à côté de celle de sa femme, et tout étant tranquille dans la maison, la mère dit à sa fille - Voilà tes lettres, je ne veux pas les lire, tu vois ce qu’elles ont failli nous coûter ! A ta place je les brûlerais. Adieu, embrasse-moi.

Hélène rentra dans sa chambre fondant en larmes ; il lui semblait que, depuis ces paroles de sa mère, elle n’aimait plus Jules. Puis elle se prépara à brûler ses lettres ; mais, avant de les anéantir, elle ne put s’empêcher de les relire. Elle les relut tant et si bien, que le soleil é