Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/60

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qui depuis quinze jours faisait la nouvelle du pays, fut indiquée pour un dimanche. Ce jour-là, à deux heures du matin, le gouverneur de Valmontone fit sonner le tocsin dans tous les villages de la forêt de la Faggiola. On vit des paysans sortir en assez grand nombre de chaque village. (Les mœurs des républiques du moyen-âge, du temps desquelles on se battait pour obtenir une certaine chose que l’on désirait, avaient conservé beaucoup de bravoure dans le cœur des paysans : de nos jours, personne ne bougerait.)

Ce jour-là on put remarquer une chose assez singulière : à mesure que la petite troupe de paysans armés sortie de chaque village s’enfonçait dans la forêt, elle diminuait de moitié ; les partisans des Colonna se dirigeaient vers le lieu du rendez-vous désigné par Fabrice. Leurs chefs paraissaient persuadés qu’on ne se battrait pas ce jour-là : ils avaient eu ordre le matin de répandre ce bruit. Fabrice parcourait la forêt avec l’élite de ses partisans, qu’il avait montés sur les jeunes chevaux à demi sauvages de son haras. Il passait une sorte de revue des divers détachemens de paysans ; mais il ne leur parlait point, toute parole pouvant compromettre. Fabrice était un grand homme maigre, d’une agilité et d’une force incroyables : quoiqu’à peine âgé de quarante-cinq ans, ses cheveux et sa moustache étaient d’une blancheur éclatante, ce qui le contrariait fort ; à ce signe on pouvait le reconnaître en des lieux où il eût mieux aimé passer incognito. A mesure que les paysans le voyaient, ils criaient : Vive Colonna ! et mettaient leurs capuchons