Page:Stendhal - Chroniques italiennes, Lévy, 1855.djvu/80

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tombeau de cette Hélène qui dans Albano semblait s’être donnée à moi pour la vie.

Aussitôt, la grande affaire de Jules fut de cacher les larmes dont les tournures polies qu’Hélène prenait pour lui adresser la parole inondaient son visage. Quand elle eut fini de parler et de justifier un changement si naturel, disait-elle, après la mort d’un frère, Jules lui dit en parlant fort lentement :

— Vous n’accomplissez pas votre serment, vous ne me recevez pas dans un jardin, vous n’êtes point à genoux devant moi comme vous l’étiez une demi-minute après que nous eûmes entendu l’Ave Maria du Monte-Cavi. Oubliez votre serment si vous pouvez ; quant à moi, je n’oublie rien ; Dieu vous assiste !

En disant ces mots, il quitta la fenêtre grillée auprès de laquelle il eût pu rester encore près d’une heure. Qui lui eût dit un instant auparavant qu’il abrégerait volontairement cette entrevue tant désirée ! Ce sacrifice déchirait son ame ; mais il pensa qu’il pourrait bien mériter le mépris même d’Hélène s’il répondait à ses politesses autrement qu’en la livrant à ses remords,

Avant l’aube, il sortit du couvent. Aussitôt il monta à cheval en donnant l’ordre à ses soldats de l’attendre à Castro une semaine entière, puis de rentrer à la forêt ; il était ivre de désespoir. D’abord il marcha vers Rome. — Quoi ! je m’éloigne d’elle ! se disait-il à chaque pas ; quoi ! nous sommes devenus étrangers l’un à l’autre ! ô Fabio, combien tu es vengé ! — La vue des hommes qu’il rencontrait sur la route