Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/125

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faire de semblables pour toi. C'est le fu­mier qui est sale et qui fait venir les rai­sins muscats. Pour faire rire quelqu'un, tu n'as donc qu'à lui découvrir finement et en peu de mots quelqu'un des avan­tages qu'il possède. Me comprends-tu?

Amasse maintenant des matériaux pour un autre temps ; songe que, dans le monde, plus on a d'esprit, mieux on sait ménager la vanité des autres, plus ils vous chérissent; et que plus vous en êtes chérie, plus vous êtes heureuse. Or, tu te donneras de l'es­prit par de pareilles analyses. Réponds-moi courrier par courrier, la lettre n'eût-elle qu'une ligne. Je suis vraiment inquiet : personne ne m'écrit. Je ne vois qu'une manière d'expliquer cela : l'autre jour, à cinq heures, on a pu fixer le soleil, il était couleur de brique et gros comme un fro­mage ; les savants ont dit que cela an­nonçait tremblement de terre : Grenoble aura tremblé, et tout y est sens dessus dessous.

Adieu ; mon père ne m'écrit plus, ne m'envoie rien ; nous sommes au 13. Celui qui a dit que tout est bien a dit une sottise. Il fallait dire que tout est au mieux dans le meilleur des mondes pos­sibles.