Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/171

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suppléer aux talents. Et ce n'est que dans des circonstances rares que le peuple a besoin de vous, et vous pouvez mourir calomnié, et tant de gens sans talents ou sans vertu ont paru dans la lice, qu'il faut un bien grand génie pour être à l'abri du ridicule. Voilà les obstacles.

Donnez-moi vos avis sur tout cela, mon cher Mounier, franchement, sincè­rement et sans craindre de me parler raison. Pour le moment, je me jette au milieu des événements avec un cœur pur. je tâcherai d'acquérir des talents, je vivrai solitaire avec mon âme et mes livres, et j'attendrai pour voguer que le vent vienne enfler mes voiles.

Je sais bien que dans un moment de raison je pourrais prendre un état ; mais je ne sens pas la constance nécessaire pour le suivre, et il faut éviter de paraître inconséquent.

Voilà où j'en suis, mon cher Edouard. Je compte être à Paris dans trente ou quarante jours. J'y étudierai la politique et l'économie publique, science qui me paraît la base de l'autre dans un siècle où tout se vend. Donnez-moi tous les dé­tails possibles sur votre futur voyage et surtout éclairez-moi de vos conseils. Bonsoir, si vous ne dormez pas.

H. B.