Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/245

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délicieux à quinze ans, sont-ils aussi plats que bêtes à dix-neuf. J'ai vu cela hier encore : un enfant, charmant en l'an X, est un sot maintenant.

Je suis réconcilié avec le monde ; je vois de loin des sociétés composées d'hommes et de femmes supérieurs ; il n'y a presque pas d'erreurs en circulation dans ces so­ciétés ; c'est de la terre bien labourée pour le bonheur ; c'est à vous d'y semer de bonne graine ; mais combien j'ai couru avant de trouver cette terre labourée !

Les gens heureux savent, s'ils ont de l'esprit, que l'immense majorité des hommes, plongée dans l'ennui, n'en est retirée que par la passion de 1 envie ; ils cachent donc leur vie ; voilà leur secret. Nous qui avons le bonheur inappréciable d'être passionnés, tâchons de déraciner les passions que probablement nous ne pourrons pas satisfaire ; d'aviver, au con­traire, celles que nous pourrons désaltérer, et nous serons très heureux ; mais le pas­seport pour entrer dans ces sociétés, c'est beaucoup d'esprit, c'est-à-dire une tête pleine de vérités, la plupart sur les sujets ordinaires de conversation, qui sont l'homme et ses passions.

Observons donc ; cela ne fait qu'aug­menter la sensibilité de notre âme, et <ms sensibilité point de bonheur.