Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/257

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mais je ne puis voir ici que des esprits ou des demi-âmes. Toutes ces petites filles d'ici m'ennuient ; leur tendresse n'est que minauderie et que petites grâces étudiées ; rien d'absolument franc, de naturel, d'éner­gique. Tout ce que j'aime est à Grenoble ou à quatre-vingts lieues d'ici ; je ne puis écrire qu'à toi, l'autrem'a peut-être oublié : voilà ce qui me rend mélancolique. A force de rêve, j'ai cependant trouvé un moyen de lui écrire ; mais que pensera-fc-elle de ma lettre ? Y répondra-t-elle ? N'en aime-t-elle point un autre ? Il me passe une bonne folie par la tête : avant de retourner à Grenoble, je veux aller incognito dans la ville où elle est, et, là, me rassasier du plaisir de la voir. Ge moyen est romanesque, mais il me fera bien plaisir et il ne nuit à personne ; je ne vois pas pourquoi j'y résisterais. Je me mettrai dans peu à économiser pour cela : elle serait bien étonnée si, en se promenant le soir, dans les jardins publics, à la tombée de la nuit, elle m'apercevait entre les arbres *.

Que fais-tu à Grenoble ? s'ennuie-t-on toujours autant dans les avant-soupers ?

1. Dan3 tout ce pissa^e, Henri Beyle tilt allusion à sou amour pour VioWrtae Mouolar qu'il rêve ainsi d'aller sur prendre à Hennés et pour qui, en réalité, 11 écrit quand il s'adresae 4 son frère.