Page:Stendhal - Correspondance, I.djvu/88

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l'envie de m'amuser ou la crainte de l'ennui qui m'ont fait aimer la lecture dès l'âge de douze ans. La maison était fort triste ; je me mis à lire et je fus heureux : les passions sont le seul mobile des hommes; elles font tout le bien et tout le mal que nous voyons sur la terre.

On a de la passion pour un objet lors­qu'on le désire continuellement ; on a une passion forte pour ce même objet, lorsque la vie nous paraît insupportable sans lui. De là, la conduite de Curtius qui se préci­pita, à Rome, dans le gouffre ouvert au milieu de la place publique : il préférait le bonheur public et la gloire à la vie, et il se tua.

Pierre Corneille aurait autant aimé ne pas vivre que de vivre sans gloire, et il fît Cinna.

Démosthène ne pouvait pas vivre sans être un grand orateur, mais il était bègue : un autre se serait arrêté à cet obstacle ; lui, se met des petits cailloux dans la bouche et va tous les jours passer deux heures au bord de la mer.

Les grandes passions viennent à bout de tout : de là, on peut dire que, quand un homme veut vivement et constamment, il parvient à son but .

Pour parvenir à comprendre quelque chose, il faut y fixer toute son attention.