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CORRESPONDANCE

et à prendre un livre conforme aux études qui m’enflammaient pendant les années de pauvreté que j’ai passées à Paris. J’ai donc lu avec plaisir, et en posant vingt fois le livre, les quatre-vingts premières pages du livre de Burke intitulé Recherches sur le sublime. J’étais distrait à chaque instant par mes idées actuelles d’ambition, et ensuite j’ai senti le regret de ne plus vivre au milieu de ces idées nobles, fortes et tendres qui m’occupaient sans cesse lorsque, logé rue d’Angiviller, en face de la belle colonnade du Louvre, et n’ayant souvent pas six francs dans ma poche, je passais des soirées entières à contempler des étoiles brillantes se couchant derrière le fronton du Louvre. Depuis six mois, je n’ai pas eu le temps de réfléchir sur aucune de mes lectures, et ces lectures se sont bornées aux romans de La Fontaine, parce qu’on peut les prendre et les quitter à chaque instant. En lisant mon Burke, je m’interrompais pour me faire des reproches de telle ou telle visite que je n’avais pas faite. Des amis puissants m’ont prêté j’ai un joli appartement, simple, noble et frais, orné de charmantes gravures je cherchais à en jouir, avec mon âme de 1804 ; ra n’est presque plus possible. J’ai une vue superbe de la fenêtre de mon petit cabinet je contemplais le coucher du soleil au tra-