Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/198

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dans la tempête, le serment de ne jamais changer en rien la vérité et de lire correctement dans son cœur ; si la conversation est vive et entrecoupée, il peut espérer de beaux moments de naturel, autrement il ne sera parfaitement naturel que dans les heures où il aimera un peu moins à la folie.

Auprès de ce qu’on aime, à peine le naturel reste-t-il dans les mouvements, dont cependant les habitudes sont si profondément enracinées dans les muscles. Quand je donnais le bras à Léonore, il me semblait toujours être sur le point de tomber, et je pensais à bien marcher. Tout ce qu’on peut, c’est de n’être jamais affecté volontairement ; il suffit d’être persuadé que le manque de naturel est le plus grand désavantage possible, et peut aisément être la source des plus grands malheurs. Le cœur de la femme que vous aimez n’entend plus le vôtre, vous perdez ce mouvement nerveux et involontaire de la franchise qui répond à la franchise. C’est perdre tous les moyens de la toucher, j’ai presque dit de la séduire ; ce n’est pas que je prétende nier qu’une femme digne d’amour peut voir son destin dans cette jolie devise du lierre, qui meurt s’il ne s’attache ; c’est une loi de la nature, mais c’est toujours un pas décisif pour le bonheur, que de faire celui de l’homme qu’on aime. Il me semble qu’une