Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/42

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

écrits en France, pays où la plante nommée amour a toujours peur du ridicule, est étouffée par les exigences de la passion nationale, la vanité, et n’arrive presque jamais à toute sa hauteur.

Qu’est-ce donc que connaître l’amour par les romans ? que serait-ce après l’avoir vu décrit dans des centaines de volumes à réputation, mais ne l’avoir jamais senti, que chercher dans celui-ci l’explication de cette folie ? je répondrai comme un écho : « C’est folie. »

Pauvre jeune femme désabusée, voulez-vous jouir encore de ce qui vous occupa tant il y a quelques années, dont vous n’osâtes parler a personne, et qui faillit vous perdre d’honneur ? C’est pour vous que j’ai refait ce livre et cherché à le rendre plus clair. Après l’avoir lu, n’en parlez jamais qu’avec une petite phrase de mépris, et jetez-le dans votre bibliothèque de citronnier, derrière les autres livres ; j’y laisserais même quelques pages non coupées.

Ce n’est pas seulement quelques pages non coupées qu’y laissera l’être imparfait, qui se croit philosophe parce qu’il resta toujours étranger à ces émotions folles qui font dépendre d’un regard tout notre bonheur d’une semaine. D’autres, arrivant à l’âge mûr, mettent toute leur vanité à oublier qu’un jour ils purent s’abaisser au point