Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/49

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

la partie la plus certaine de ce bonheur, qui attire tous les provinciaux à Paris.

À la suite des bals masqués du carnaval de 1820, qui furent plus brillants que de coutume, la société de Milan vit éclater cinq ou six démarches complètement folles ; bien que l’on soit accoutumé dans ce pays-là à des choses qui passeraient pour incroyables en France, l’on s’en occupa un mois entier. Le ridicule ferait peur dans ce pays-ci à des actions tellement baroques ; j’ai besoin de beaucoup d’audace seulement pour oser en parler. Un soir, qu’on raisonnait profondément sur les effets et les causes de ces extravagances, chez l’aimable madame Pietra Grua, qui, par extraordinaire, ne se trouvait mêlée à aucune de ces folies, je vins à penser qu’avant un an, peut-être, il ne me resterait qu’un souvenir bien incertain de ces faits étranges et des causes qu’on leur attribuait. Je me saisis d’un programme de concert, sur lequel j’écrivis quelques mots au crayon. On voulut faire un pharaon ; nous étions trente assis autour d’une table verte ; mais la conversation était tellement animée, qu’on oubliait de jouer. Vers la fin de la soirée survint le colonel Scotti, un des hommes les plus aimables de l’armée italienne ; on lui demanda son contingent de circonstances relatives aux faits bizarres