Page:Stendhal - De l’amour, I, 1927, éd. Martineau.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non plus tard, notez bien, la femme qu’il aime tuât l’espérance d’une manière atroce et le comblât de ces mépris publics qui ne permettent plus de revoir les gens.

La naissance de l’amour admet de beaucoup plus longs délais entre toutes ces époques.

Elle exige beaucoup plus d’espérance, et une espérance beaucoup plus soutenue, chez les gens froids, flegmatiques, prudents. Il en est de même des gens âgés.

Ce qui assure la durée de l’amour, c’est la seconde cristallisation pendant laquelle on voit à chaque instant qu’il s’agit d’être aimé ou de mourir. Comment, après cette conviction de toutes les minutes, tournée en habitude par plusieurs mois d’amour, pouvoir seulement soutenir la pensée de cesser d’aimer ? Plus un caractère est fort, moins il est sujet à l’inconstance.

Cette seconde cristallisation manque presque tout à fait dans les amours inspirés par les femmes qui se rendent trop vite.

Dès que les cristallisations ont opéré, surtout la seconde, qui de beaucoup est la plus forte, les yeux indifférents ne reconnaissent plus la branche d’arbre ;

Car, 1o elle est ornée de perfections ou de diamants qu’ils ne voient pas ;

2o Elle est ornée des perfections qui n’en sont pas pour eux.