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CHAPITRE XIII

Du premier pas, du grand monde, des malheurs.


Ce qu’il y a de plus étonnant dans la passion de l’amour, c’est le premier pas, c’est l’extravagance du changement qui s’opère dans la tête d’un homme.

Le grand monde, avec ses fêtes brillantes, sert l’amour comme favorisant ce premier pas.

Il commence par changer l’admiration simple (n° 1) en admiration tendre (n° 2) : Quel plaisir de lui donner des baisers, etc.

Une valse rapide, dans un salon éclairé de mille bougies, jette dans les jeunes cœurs une ivresse qui éclipse la timidité, augmente la conscience des forces et leur donne enfin l’audace d’aimer. Car voir un objet très aimable ne suffit pas ; au contraire, l’extrême amabilité décourage les âmes tendres, il faut le voir, sinon vous aimant[1], du moins dépouillé de sa majesté.

  1. De là la possibilité des passions à origine factice, celles-ci, et celle de Bénédict et Béatrix (Shakspeare).