Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/155

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âmes-là, au lieu d’être sujettes à se blaser comme Meilhan, Bezenval, etc., deviennent folles par excès de sensibilité comme Rousseau. Les femmes douées d’une certaine élévation d’âme qui, après la première jeunesse, savent voir l’amour où il est, et quel est cet amour, échappent en général aux don Juan qui ont pour eux plutôt le nombre que la qualité des conquêtes. Remarquez, au désavantage de la considération des âmes tendres, que la publicité est nécessaire au triomphe des don Juan comme le secret à ceux des Werther. La plupart des gens qui s’occupent de femmes par état, sont nés au sein d’une grande aisance, c’est-à-dire sont, par le fait de leur éducation et par l’imitation de ce qui les entourait dans leur jeunesse, égoïstes et secs[1].

Les vrais don Juan finissent même par regarder les femmes comme le parti ennemi, et par se réjouir de leurs malheurs de tous genres.

Au contraire, l’aimable duc delle Pignatelle nous montrait à Munich la vraie manière d’être heureux par la volupté, même sans l’amour-passion. « Je vois

  1. Voir une page d’André Chénier, Œuvres, page 370 ; ou bien ouvrir les yeux dans le monde, ce qui est plus difficile. « En général ceux que nous appelons patriciens sont plus éloignés que les autres hommes de rien aimer », dit l’empereur Marc-Aurèle. (Pensées, page 50.)