Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/279

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
278
DE L’AMOUR

l’obstacle d’un mari, homme d’infiniment d’esprit, mais le plus jaloux des hommes. En ma qualité d’ami, j’ai dû lire avec lui toute l’histoire de Pologne, de Rulhière, qu’il n’entendait pas bien. Il s’écoula trois mois sans qu’on pût le tromper. Il y avait un télégraphe les jours de fêtes, pour indiquer l’église où l’on irait à la messe.

Un jour, je vis mon ami plus sombre qu’à l’ordinaire ; voici ce qui allait se passer. L’amie intime de Dona Inezilla était dangereusement malade. Celle-ci demanda à son mari la permission de passer la nuit auprès de la malade, ce qui fut aussitôt accordé, à condition que le mari choisirait le jour. Un soir, il conduit dona Inezilla chez son amie, et dit, en badinant et comme inopinément, qu’il dormira fort bien sur un canapé, dans un petit salon attenant à la chambre à coucher, et dont la porte fut laissée ouverte. Depuis onze jours, tous les soirs, l’officier français passait deux heures, caché sous le lit de la malade. Je n’ose ajouter le reste.

Je ne crois pas que la vanité permette ce degré d’amitié à une Française.