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Page:Stendhal - De l’amour, II, 1927, éd. Martineau.djvu/359

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DE L’AMOUR

lequel elle la retrouva était fait pour augmenter ses inquiétudes. Cette femme fut longue à renvoyer. Pendant son séjour dans la chambre, Ernestine eut le temps de s’accoutumer à son bonheur ; elle put reprendre son sang-froid. Elle fit une réponse superbe à Philippe quand, la gouvernante étant sortie, il risqua de reparaître.

Ernestine était si belle aux yeux de son amant, l’expression de ses traits si sévère, que le premier mot de sa réponse donna l’idée à Philippe que tout ce qu’il avait pensé jusque-là n’était qu’une illusion, et qu’il n’était pas aimé. Sa physionomie changea tout à coup et n’offrit plus que l’apparence d’un homme au désespoir. Ernestine, émue jusqu’au fond de l’âme de son air désespéré, eut cependant la force de le renvoyer. Tout le souvenir qu’elle conserva de cette singulière entrevue, c’est que, lorsqu’il l’avait suppliée de lui permettre de demander sa main, elle avait répondu que ses affaires, comme ses affections, devaient le rappeler à Paris. Il s’était écrié alors que la seule affaire au monde était de mériter le cœur d’Ernestine, qu’il jurait à ses pieds de ne pas quitter le Dauphiné tant qu’elle y serait, et de ne rentrer de sa vie dans le château qu’il avait habité avant de la connaître.

Ernestine fut presque au comble du