homme un peu naïf et ignorant, à la lecture, à l’acquisition d’un bagage intellectuel. Cependant, comme l’a remarqué M. Paul Arbelet[1], dès sa dix-huitième année, Beyle avait déjà distingué l’essentiel de sa doctrine, lui qui écrivait le 10 décembre 1801 : « Connaître à fond les hommes, juger sainement des événements, est donc un grand pas vers le bonheur. » La chasse au bonheur était au fond même de l’instinct d’Henri Beyle.
Le Journal sera l’une des armes de cette chasse ; il lui confie tout, ses espoirs et ses projets, ses regrets et ses résolutions. Sans doute il écrit, le 30 mars 1804 : « L’art d’écrire un journal est d’y conserver le dramatique de la vie ; ce qui en éloigne, c’est qu’on veut juger en racontant. » Mais il sentait qu’il n’était pas né pour la description pittoresque, et il s’écriait, le 26 août suivant : « Quand je relis ces mémoires, je me siffle souvent moi-même : ils ne rendent pas assez mes sensations. » Et de plus en plus il développe ce qui fait l’essentiel de son art : « C’est la connaissance de ce qu’il y a de plus caché au fond du cœur et de la tête que je veux acquérir[2]. » D’ailleurs, il a tenu lui-même à expliquer très nettement ce qu’étaient ces notes personnelles : une santé chancelante lui a toujours laissé obscurément la crainte de voir ses