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Page:Stendhal - Journal, t3, 1932, éd. Debraye et Royer.djvu/64

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journal de stendhal

du monde, le froid a passé un peu. Je souhaitais l’arrivée de Mme Bar… ; elle est venue, on a soupé. J’ai parlé et été aimable tant qu’elle a été là. Je me suis dessiné le caractère d’un homme pour qui l’on doit avoir des bontés aux yeux de Mme Bar…

Mon amabilité a paru faire plaisir à Mme Z. et j’en ai vu l’effet, parce que sur-le-champ elle a été encore plus aimable pour moi. Elle a dit une fois à Mme B… : « Je vous lègue mon cousin. »

En attendant les chevaux qui ne venaient point, on a fait des demandes dans le genre de celles-ci : « Quel est le rat qui n’est pas pincette ? — C’est le rappel. — Quel est le rat ennuyeux ? — C’est le rassis. — Quel est le D. homme de qualité ? — C’est le décompte. »

Tout cet esprit-là manque de gaieté. Pendant ce temps, Mme Z. s’est couchée sur un sofa que M. D. et moi sommes allés chercher dans la pièce voisine. Au moment du départ, elle a paru s’attendrir pour moi. Elle a même eu les larmes aux yeux, mais je suis loin de croire d’abord qu’elles fussent sincères, et ensuite qu’elles fussent pour moi.

Le départ approchant toujours, je m’assieds sur le pied du canapé. Je joue avec ses gants, je les lui rends, elle me les rend à son tour. Enfin, une fois elle me tendit la main pour me les redemander, mais avec beaucoup de grâce et peut-être même de la tendresse. Je baissai la tête sur le canapé et baisai cette main qui s’avançait.