Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/125

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fallait s’arrêter : tout le monde jurait et se fâchait.

Encore quelque traître qui commande s’écria le caporal ; si l’ennemi a l’esprit de tourner le village nous sommes tous prisonniers comme des chiens. Suivez-moi, vous autres. Fabrice regarda ; il n’y avait plus que six soldats avec le caporal. Par une grande porte ouverte ils entrèrent dans une vaste basse-cour ; de la basse-cour ils passèrent dans une écurie, dont la petite porte leur donna entrée dans un jardin. Ils s’y perdirent un moment errant de côté et d’autre. Mais enfin, en passant une haie, ils se trouvèrent dans une vaste pièce de blé noir. En moins d’une demi-heure, guidés par les cris et le bruit confus, ils eurent regagné la grande route au delà du village. Les fossés de cette route étaient remplis de fusils abandonnés ; Fabrice en choisit un, mais la route, quoique fort large, était tellement encombrée de fuyards et de charrettes, qu’en une demi-heure de temps, à peine si le caporal et Fabrice avaient avancé de cinq cents pas ; on disait que cette route conduisait à Charleroi. Comme onze heures sonnaient à l’horloge du village :

— Prenons de nouveau à travers champ, s’écria le caporal. La petite troupe n’était plus composée que de trois soldats, le