Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/130

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de son cheval, le prit par la bride, et dit à la vivandière : Montez. Elle ne se le fit pas dire deux fois.

— Raccourcis-moi les étriers, fit-elle. Une fois bien établie à cheval, elle se mit à raconter à Fabrice tous les désastres de la nuit. Après un récit d’une longueur infinie, mais avidement écouté par notre héros qui, à dire vrai, ne comprenait rien à rien, mais avait une tendre amitié pour la vivandière, celle-ci ajouta :

— Et dire que ce sont des Français qui m’ont pillée, battue, abîmée…

— Comment ce ne sont pas les ennemis ? dit Fabrice d’un air naïf, qui rendait charmante sa belle figure grave et pâle.

— Que tu es bête, mon pauvre petit ! dit la vivandière, souriant au milieu de ses larmes ; et quoique ça, tu es bien gentil.

— Et tel que vous le voyez, il a fort bien descendu son Prussien, dit le caporal Aubry qui, au milieu de la cohue générale, se trouvait par hasard de l’autre côté du cheval monté par la cantinière. Mais il est fier, continua le caporal… Fabrice fit un mouvement. Et comment t’appelles-tu ? continua le caporal, car enfin, s’il y a un rapport, je veux te nommer.

— Je m’appelle Vasi, répondit Fabrice, faisant une mine singulière, c’est-à-dire Boulot, ajouta-t-il se reprenant vivement.