Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/200

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quatre-vingts pieds d’élévation, et de là ils voient défiler un cortège avec un espion qui joue le rôle d’un pauvre diable qui marche à la mort.

Ces contes, et vingt autres du même genre et d’une non moindre authenticité, intéressaient vivement madame Pietranera ; le lendemain elle demandait des détails au comte Mosca, qu’elle plaisantait vivement. Elle le trouvait amusant et lui soutenait qu’au fond il était un monstre sans s’en douter. Un jour, en rentrant à son auberge, le comte se dit : Non-seulement cette comtesse Pietranera est une femme charmante mais quand je passe la soirée dans sa loge, je parviens à oublier certaines choses de Parme dont le souvenir me perce le cœur. « Ce ministre, malgré son air léger et ses façons brillantes, n’avait pas une âme à la française ; il ne savait pas oublier les chagrins. Quand son chevet avait une épine, il était obligé de la briser et de l’user à force d’y piquer ses membres palpitants. » Je demande pardon pour cette phrase, traduite de l’italien. Le lendemain de cette découverte, le comte trouva que, malgré les affaires qui l’appelaient à Milan, la journée était d’une longueur énorme ; il ne pouvait tenir en place ; il fatigua les chevaux de sa voiture. Vers les six heures,