Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/220

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Mosca avait prévenu la duchesse que le prince avait, dans le grand cabinet où il recevait en audience, un portrait en pied de Louis XIV, et une table fort belle de Scagliola de Florence. Elle trouva que l’imitation était frappante ; évidemment il cherchait le regard et la parole noble de Louis XIV, et il s’appuyait sur la table de Scagliola, de façon à se donner la tournure de Joseph II. Il s’assit aussitôt après les premières paroles adressées par lui à la duchesse, afin de lui donner l’occasion de faire usage du tabouret qui appartenait à son rang. À cette cour, les duchesses, les princesses et les femmes des grands d’Espagne s’asseoient seules ; les autres femmes attendent que le prince ou la princesse les y engagent ; et, pour marquer la différence des rangs, ces personnes augustes ont toujours soin de laisser passer un petit intervalle avant de convier les dames non duchesses à s’asseoir. La duchesse trouva qu’en de certains moments l’imitation de Louis XIV était un peu trop marquée chez le prince ; par exemple, dans sa façon de sourire avec bonté tout en renversant la tête.

Ernest IV portait un frac à la mode arrivant de Paris ; on lui envoyait tous les mois de cette ville, qu’il abhorrait, un frac, une redingote et un chapeau.