Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/234

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derais bien d’en douter, que Fabrice soit un peu au-dessus des jeunes gens qui promènent leurs chevaux anglais dans les rues de Milan, quelle vie que celle qui à dix-huit ans ne fait rien et à la perspective de ne jamais rien faire ! Si le ciel lui avait accordé une vraie passion pour quoi que ce soit, fût-ce pour la pêche à la ligne, je la respecterais ; mais que fera-t-il à Milan même après sa grâce obtenue ? Il montera un cheval qu’il aura fait venir d’Angleterre à une certaine heure, à une autre le désœuvrement le conduira chez sa maîtresse qu’il aimera moins que son cheval… Mais si vous m’en donnez l’ordre, je tâcherai de procurer ce genre de vie à votre neveu.

— Je le voudrais officier, dit la duchesse.

— Conseilleriez-vous à un souverain de confier un poste qui, dans un jour donné, peut être de quelque importance à un jeune homme : 1° susceptible d’enthousiasme ; 2° qui a montré de l’enthousiasme pour Napoléon, au point d’aller le rejoindre à Waterloo ? Songez à ce que nous serions tous si Napoléon eût vaincu à Waterloo ! Nous n’aurions point de libéraux à craindre, il est vrai, mais les souverains des anciennes familles ne pourraient régner qu’en épousant les filles de