Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/245

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son propre parti, et s’aliène toutes les familles qui ont un des leurs à la citadelle. Ce pauvre homme sait prendre un air tout confit de respect à l’approche du prince ; au besoin il change de costume quatre fois en un jour ; il peut discuter une question d’étiquette, mais ce n’est point une tête capable de suivre le chemin difficile par lequel seulement il peut se sauver et dans tous les cas je suis là.

Le lendemain de la nomination du général Fabio Conti, qui terminait la crise ministérielle, on apprit que Parme aurait un journal ultra-monarchique.

— Que de querelles ce journal va faire naître ! disait la duchesse.

— Ce journal, dont l’idée est peut-être mon chef-d’œuvre, répondait le comte en riant, peu à peu je m’en laisserai bien malgré moi ôter la direction par les ultra-furibonds. J’ai fait attacher de beaux appointements aux places de rédacteur. De tous côtés on va solliciter ces places ; cette affaire va nous faire passer un mois ou deux, et l’on oubliera les périls que je viens de courir. Les graves personnages P. et D. sont déjà sur les rangs.

— Mais ce journal sera d’une absurdité révoltante.

— J’y compte bien, répliquait le comte. Le prince le lira tous les matins et admirera