Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/265

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ce que nous lui avons entendu dire ; il est vrai qu’il ne songeait pas deux fois par mois à tous ces grands principes. Il avait des goûts vifs, il avait de l’esprit, mais il avait la foi.

Le goût de la liberté, la mode et le culte du bonheur du plus grand nombre, dont le dix-neuvième siècle s’est entiché, n’étaient à ses yeux qu’une hérésie qui passera comme les autres, mais après avoir tué beaucoup d’âmes, comme la peste tandis qu’elle règne dans une contrée tue beaucoup de corps. Et malgré tout cela Fabrice lisait avec délices les journaux français, et faisait même des imprudences pour s’en procurer.

Comme Fabrice revenait tout ébouriffé de son audience au palais, et racontait à sa tante les diverses attaques du prince :

— Il faut, lui dit-elle, que tu ailles tout présentement chez le père Landriani, notre excellent archevêque ; vas-y à pied, monte doucement l’escalier, fais peu de bruit dans les antichambres ; si l’on te fait attendre, tant mieux, mille fois tant mieux ! en un mot, sois apostolique !

— J’entends, dit Fabrice, notre homme est un Tartufe.

— Pas le moins du monde, c’est la vertu même.

— Même après ce qu’il a fait, reprit