Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/274

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il se disait : L’homme que j’abhorre loge chez la duchesse, passe tous ses moments avec elle. Dois-je tenter de faire parler une de ses femmes ? Rien de plus dangereux ; elle est si bonne ; elle les paie bien ! elle en est adorée ! (Et de qui, grand Dieu, n’est-elle pas adorée !) Voici la question, reprenait-il avec rage :

Faut-il laisser deviner la jalousie qui me dévore, ou ne pas en parler ?

Si je me tais, on ne se cachera point de moi. Je connais Gina, c’est une femme toute de premier mouvement ; sa conduite est imprévue même pour elle ; si elle veut se tracer un rôle d’avance, elle s’embrouille ; toujours, au moment de l’action, il lui vient une nouvelle idée qu’elle suit avec transport comme étant ce qu’il y a de mieux au monde, et qui gâte tout.

Ne disant mot de mon martyre, on ne se cache point de moi et je vois tout ce qui peut se passer…

Oui, mais en parlant, je fais naître d’autres circonstances ; je fais faire des réflexions ; je préviens beaucoup de ces choses horribles qui peuvent arriver… Peut-être on l’éloigne (le comte respira), alors j’ai presque partie gagnée ; quand même on aurait un peu d’humeur dans le moment, je la calmerai… et cette humeur