Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/283

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Quelques jours se passèrent pendant lesquels Fabrice à son tour perdit toute sa gaieté.

— Je t’assure, disait-il à la duchesse, que le comte Mosca a de l’antipathie pour moi.

— Tant pis pour Son Excellence, répondait-elle avec une sorte d’humeur.

Ce n’était point là le véritable sujet d’inquiétude qui avait fait disparaître la gaieté de Fabrice. La position où le hasard me place n’est pas tenable, se disait-il. Je suis bien sûr qu’elle ne parlera jamais, elle aurait horreur d’un mot trop significatif comme d’un inceste. Mais si un soir, après une journée imprudente et folle, elle vient à faire l’examen de sa conscience, si elle croit que j’ai pu deviner le goût qu’elle semble prendre pour moi, quel rôle jouerai-je à ses yeux ? exactement le casto Giuseppe, (proverbe italien, allusion au rôle ridicule de Joseph avec la femme de l’eunuque Putiphar).

Faire entendre par une belle confidence que je ne suis pas susceptible d’amour sérieux ? je n’ai pas assez de tenue dans l’esprit pour énoncer ce fait de façon à ce qu’il ne ressemble pas comme deux gouttes d’eau à une impertinence. Il ne me reste que la ressource d’une grande passion laissée à Naples, en ce cas, y retourner pour vingt-quatre heures : ce parti est sage,