Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/300

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à mon gouverneur de Naples ? Fabrice éprouva un sentiment de malaise profond ; le bel enthousiasme de vertu qui naguère venait de faire battre son cœur se changeait dans le vil plaisir d’avoir une bonne part dans un vol. Eh bien ! se dit-il enfin avec les yeux éteints d’un homme mécontent de soi, puisque ma naissance me donne le droit de profiter de ces abus, il serait d’une insigne duperie à moi de n’en pas prendre ma part ; mais il ne faut point m’aviser de les maudire en public. Ces raisonnements ne manquaient pas de justesse ; mais Fabrice était bien tombé de cette élévation de bonheur sublime où il s’était trouvé transporté une heure auparavant. La pensée du privilège avait desséché cette plante toujours si délicate qu’on nomme le bonheur.

S’il ne faut pas croire à l’astrologie, reprit-il en cherchant à s’étourdir, si cette science est, comme les trois quarts des sciences non mathématiques, une réunion de nigauds enthousiastes et d’hypocrites adroits et payés par qui ils servent, d’où vient que je pense si souvent et avec émotion à cette circonstance fatale ?

Jadis je suis sorti de la prison de B***, mais avec l’habit et la feuille de route d’un soldat jeté en prison pour de justes causes.

Le raisonnement de Fabrice ne put