Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/317

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darmes, dont quatre sous-officiers paraissaient dans le haut de la grande rue du village. Le maréchal-des-logis les distribuait de cent pas en cent pas, le long du trajet que devait parcourir la procession. Tout le monde me connaît ici ; si l’on me voit, je ne fais qu’un saut des bords du lac de Côme au Spielberg, où l’on m’attachera à chaque jambe une chaîne pesant cent dix livres : et quelle douleur pour la duchesse !

Fabrice eut besoin de deux ou trois minutes pour se rappeler que d’abord il était placé à plus de quatre-vingts pieds d’élévation, que le lieu où il se trouvait était comparativement obscur, que les yeux des gens qui pourraient le regarder étaient frappés par un soleil éclatant, et qu’enfin ils se promenaient les yeux grands ouverts dans des rues dont toutes les maisons venaient d’être blanchies au lait de chaux, en l’honneur de la fête de saint Giovita. Malgré des raisonnements si clairs, l’âme italienne de Fabrice eût été désormais hors d’état de goûter aucun plaisir, s’il n’eût interposé entre lui et les gendarmes un lambeau de vieille toile qu’il cloua contre la fenêtre et auquel il fit deux trous pour les yeux.

Les cloches ébranlaient l’air depuis dix minutes, la procession sortait de l’église,