Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/326

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pour peu qu’en tombant il me retienne un instant, me voilà au Spielberg. Fabrice, saisi d’horreur surtout de cette nécessité de faire feu le premier, peut-être sur un ancien soldat de son oncle, le comte Pietranera, courut se cacher dans le tronc creux d’un énorme châtaignier ; il renouvelait l’amorce de ses pistolets, lorsqu’il entendit un homme qui s’avançait dans le bois en chantant très-bien un air délicieux de Mercadante, alors à la mode en Lombardie.

Voilà qui est d’un bon augure ! se dit Fabrice. Cet air qu’il écoutait religieusement lui ôta la petite pointe de colère qui commençait à se mêler à ses raisonnements. Il regarda attentivement la grande route des deux côtés, il n’y vit personne ; le chanteur arrivera par quelque chemin de traverse, se dit-il. Presque au même instant, il vit un valet de chambre très-proprement vêtu à l’anglaise, et monté sur un cheval de suite, qui s’avançait au petit pas en tenant en main un beau cheval de race peut-être un peu trop maigre.

Ah ! si je raisonnais comme Mosca, se dit Fabrice, lorsqu’il me répète que les dangers que court un homme sont toujours la mesure de ses droits sur le voisin, je casserais la tête d’un coup de pistolet à ce valet de chambre, et, une fois monté sur