Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/66

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tenaient le haut du pavé, et l’un d’eux, le comte N… qui, de tout temps, avait dit qu’il trouvait le mérite de Limercati un peu lourd, un peu empesé pour une femme d’autant d’esprit, devint amoureux fou de la comtesse. Elle écrivit à Limercati :


« Voulez-vous agir une fois en homme d’esprit ? Figurez-vous que vous ne m’avez jamais connue.

» Je suis, avec un peu de mépris peut-être, votre très-humble servante,

« Gina Pietranera. »


À la lecture de ce billet, Limercati partit pour un de ses châteaux ; son amour s’exalta, il devint fou, et parla de se brûler la cervelle, chose inusitée dans les pays à enfer. Dès le lendemain de son arrivée à la campagne, il avait écrit à la comtesse pour lui offrir sa main et ses deux cent mille livres de rente. Elle lui renvoya sa lettre non décachetée par le groom du comte N… Sur quoi Limercati a passé trois ans dans ses terres, revenant tous les deux mois à Milan, mais sans avoir jamais le courage d’y rester, et ennuyant tous ses amis de son amour passionné pour la comtesse, et du récit circonstancié des bontés que jadis elle avait pour lui. Dans les commencements, il ajoutait qu’avec le