Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/86

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Écoute, lui dit-elle, si tu peux donner une centaine de francs, je mettrai un double napoléon sur chacun des yeux du caporal qui va venir relever la garde pendant la nuit. Il ne pourra te voir partir de prison, et si son régiment doit filer dans la journée, il acceptera.

Le marché fut bientôt conclu. La geôlière consentit même à cacher Fabrice dans sa chambre, d’où il pourrait plus facilement s’évader le lendemain matin.

Le lendemain, avant l’aube, cette femme tout attendrie dit à Fabrice :

— Mon cher petit, tu es encore bien jeune pour faire ce vilain métier ; crois-moi, n’y reviens plus.

— Mais quoi ! répétait Fabrice, il est donc criminel de vouloir défendre la patrie ?

— Suffit. Rappelle-toi toujours que je t’ai sauvé la vie ; ton cas était net, tu aurais été fusillé ; mais ne le dis à personne, car tu nous ferais perdre notre place à mon mari et à moi ; surtout ne répète jamais ton mauvais conte d’un gentilhomme de Milan déguisé en marchand de baromètres, c’est trop bête. Écoute-moi bien, je vais te donner les habits d’un hussard mort avant-hier dans la prison ; n’ouvre la bouche que le moins possible ; mais enfin, si un maréchal-des-logis ou un officier t’interroge de