Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, I, 1927, éd. Martineau.djvu/93

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Tiens, lui dit-elle, voilà dix-huit francs cinquante centimes, et ton déjeuner te coûte trente sous. Maintenant, nous allons bientôt avoir des chevaux à revendre. Si la bête est petite, tu en donneras dix francs, et, dans tous les cas, jamais plus de vingt francs, quand ce serait le cheval des quatre fils Aymon.

Le déjeuner fini, la vivandière, qui pérorait toujours, fut interrompue par une femme qui s’avançait à travers champs, et qui passa sur la route.

— Holà, hé ! lui cria cette femme holà ! Margot ! ton 6e léger est sur la droite.

— Il faut que je te quitte, mon petit, dit la vivandière à notre héros ; mais en vérité tu me fais pitié ; j’ai de l’amitié pour toi, sacrédié ! Tu ne sais rien de rien, tu vas te faire moucher, comme Dieu est Dieu ! Viens-t’en au 6e léger avec moi.

— Je comprends bien que je ne sais rien, lui dit Fabrice, mais je veux me battre et suis résolu d’aller là-bas vers cette fumée blanche.

— Regarde comme ton cheval remue les oreilles ! Dès qu’il sera là-bas, quelque peu de vigueur qu’il ait, il te forcera la main, il se mettra à galoper, et Dieu sait où il te mènera. Veux-tu m’en croire ? Dès que tu seras avec les petits soldats,