Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/119

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ses atours, et même avec des diamants comme si elle allait à la cour. Le comte, ayant témoigné quelque crainte de déranger les projets de Son Altesse, qui propablement allait sortir, l’Altesse répondit au ministre qu’une princesse de Parme se devait à elle-même d’être toujours ainsi. Pour la première fois depuis son malheur le comte eut un mouvement de gaieté ; j’ai bien fait de paraître ici, se dit-il, et dès aujourd’hui il faut faire ma déclaration. La princesse avait été ravie de voir arriver chez elle un homme aussi renommé par son esprit et un premier ministre ; la pauvre vieille fille n’était guère accoutumée à de semblables visites. Le comte commença par une préface adroite, relative à l’immense distance qui séparera toujours d’un simple gentilhomme les membres d’une famille régnante.

— Il faut faire une distinction, dit la princesse ; la fille d’un roi de France, par exemple, n’a aucun espoir d’arriver jamais à la couronne ; mais les choses ne vont point ainsi dans la famille de Parme. C’est pourquoi nous autres Farnèse nous devons toujours conserver une certaine dignité dans notre extérieur ; et moi, pauvre princesse telle que vous me voyez, je ne puis pas dire qu’il soit absolument impossible qu’un jour vous soyez mon premier ministre.