Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/144

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bien vu la mortelle inquiétude de Fabrice, mais n’en avait pas moins eu le courage de tenir la promesse qu’elle s’était faite.

Clélia était une petite sectaire de libéralisme ; dans sa première jeunesse elle avait pris au sérieux tous les propos de libéralisme qu’elle entendait dans la société de son père, lequel ne songeait qu’à se faire une position ; elle était partie de là pour prendre en mépris et presque en horreur le caractère flexible du courtisan ; de là son antipathie pour le mariage. Depuis l’arrivée de Fabrice, elle était bourrelée de remords : Voilà, se disait-elle, que mon indigne cœur se met du parti des gens qui veulent trahir mon père ! il ose me faire le geste de scier une porte !… Mais, se dit-elle aussitôt l’âme navrée, toute la ville parle de sa mort prochaine ! Demain peut-être le jour fatal ! avec les monstres qui nous gouvernent, quelle chose au monde n’est pas possible ! Quelle douceur, quelle sérénité héroïque dans ces yeux qui peut-être vont se fermer ! Dieu ! quelles ne doivent pas être les angoisses de la duchesse ! aussi on la dit tout à fait au désespoir. Moi j’irais poignarder le prince, comme l’héroïque Charlotte Corday.

Pendant toute cette troisième journée de sa prison Fabrice fut outré de colère, mais uniquement de ne pas avoir vu reparaître