Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/153

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taire dans le mouvement de ses yeux semble avouer qu’elle prend de l’amitié pour moi.

Clélia espérait bien ne jamais arriver à un aveu, et c’est pour éloigner ce péril qu’elle avait repoussé, avec une colère excessive, une prière que Fabrice lui avait adressée plusieurs fois. La misère des ressources employées par le pauvre prisonnier aurait dû, ce semble, inspirer à Clélia plus de pitié. Il voulait correspondre avec elle au moyen de caractères qu’il traçait sur sa main avec un morceau de charbon dont il avait fait la précieuse découverte dans son poêle ; il aurait formé les mots lettre à lettre, successivement. Cette invention eût doublé les moyens de conversation en ce qu’elle eût permis de dire des choses précises. Sa fenêtre était éloignée de celle de Clélia d’environ vingt-cinq pieds ; il eût été trop chanceux de se parler par-dessus la tête des sentinelles se promenant devant le palais du gouverneur. Fabrice doutait d’être aimé ; s’il eût eu quelque expérience de l’amour, il ne lui fût pas resté de doutes ; mais jamais femme n’avait occupé son cœur ; il n’avait, du reste, aucun soupçon d’un secret qui l’eût mis au désespoir s’il l’eût connu ; il était grandement question du mariage de Clélia Conti avec le marquis Crescenzi, l’homme le plus riche de la cour.