Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/165

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demain, à midi, je reverrai tes yeux !

Ce fut précisément le lendemain de ce jour où Clélia avait fait de si grands sacrifices au jeune prisonnier, qu’elle aimait d’une passion si vive ; ce fut le lendemain de ce jour où, voyant tous ses défauts, elle lui avait sacrifié sa vie, que Fabrice fut désespéré de sa froideur. Si même en n’employant que le langage si imparfait des signes il eût fait la moindre violence à l’âme de Clélia, probablement elle n’eût pu retenir ses larmes, et Fabrice eût obtenu l’aveu de tout ce qu’elle sentait pour lui ; mais il manquait d’audace, il avait une trop mortelle crainte d’offenser Clélia, elle pouvait le punir d’une peine trop sévère. En d’autres termes, Fabrice n’avait aucune expérience du genre d’émotion que donne une femme que l’on aime ; c’était une sensation qu’il n’avait jamais éprouvée, même dans sa plus faible nuance. Il lui fallut huit jours, après celui de la sérénade, pour se remettre avec Clélia sur le pied accoutumé de bonne amitié. La pauvre fille s’armait de sévérité, mourant de crainte de se trahir, et il semblait à Fabrice que chaque jour il était moins bien avec elle.

Un jour, et il y avait alors près de trois mois que Fabrice était en prison sans avoir eu aucune communication quel-