Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/17

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— Et que faudrait-il faire pour que madame ne partît point ?

— Quelque chose dont vous n’êtes pas capable, répliqua la duchesse avec l’accent de l’ironie la plus amère et du mépris le moins déguisé.

Le prince était hors de lui, mais il devait à l’habitude de son métier de souverain absolu la force de résister à un premier mouvement. Il faut avoir cette femme, se dit-il, c’est ce que je me dois, puis il faut la faire mourir par le mépris… Si elle sort de ce cabinet, je ne la revois jamais. Mais, ivre de colère et de haine comme il l’était en ce moment, où trouver un mot qui pût satisfaire à la fois à ce qu’il se devait à lui-même et porter la duchesse à ne pas déserter sa cour à l’instant ? On ne peut, se dit-il, ni répéter ni tourner en ridicule un geste, et il alla se placer entre la duchesse et la porte de son cabinet. Peu après il entendit gratter à cette porte.

— Quel est le jean-sucre, s’écria-t-il en jurant de toute la force de ses poumons, quel est le jean-sucre qui vient ici m’apporter sa sotte présence ? Le pauvre général Fontana montra sa figure pâle et totalement renversée, et ce fut avec l’air d’un homme à l’agonie qu’il prononça ces mots mal articulés : Son Excellence le