Page:Stendhal - La Chartreuse de Parme, II, 1927, éd. Martineau.djvu/172

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gnité publique supposait à la duchesse.

— Quelle bassesse à moi ! s’était-elle écriée : dire du mal à Fabrice de la femme qu’il aime !…

Le lendemain matin, longtemps avant le jour, Grillo entra dans la chambre de Fabrice, y déposa un assez lourd paquet, et disparut sans mot dire. Ce paquet contenait un pain assez gros, garni de tous les côtés de petites croix tracées à la plume : Fabrice les couvrit de baisers ; il était amoureux. À côté du pain se trouvait un rouleau recouvert d’un grand nombre de doubles de papier ; il renfermait six mille francs en sequins ; enfin, Fabrice trouva un beau bréviaire tout neuf : une main qu’il commençait à connaître avait tracé ces mots à la marge :

« Le poison ! Prendre garde à l’eau, au vin, à tout ; vivre de chocolat, tâcher de faire manger par le chien le dîner auquel on ne touchera pas ; il ne faut pas paraître méfiant, l’ennemi chercherait un autre moyen. Pas d’étourderie, au nom de Dieu ! pas de légèreté ! »

Fabrice se hâta d’enlever ces caractères chéris qui pouvaient compromettre Clélia, et de déchirer un grand nombre de feuillets du bréviaire, à l’aide desquels il fit plusieurs alphabets ; chaque lettre était proprement tracée avec du charbon écrasé délayé dans